L’île d’Hashima (端島), également surnommée « Gunkanjima » (軍艦島), se trouve à environ 20 km au sud-ouest de Nagasaki, au cœur de la mer du Japon.
Ce bout de terre abandonné, d'une superficie de seulement 6,3 hectares, est une curiosité mondiale en raison de son histoire exceptionnelle et de son apparence unique. En effet, son surnom, « l’île bateau de guerre », provient de sa silhouette, qui évoque celle d’un cuirassé, avec ses bâtiments en béton s'élevant comme les tourelles d’un navire.
Quelle est l’histoire de l’île d'Hashima ?
L’histoire de l’île d’Hashima est étroitement liée à l’essor industriel du Japon au cours de l’ère Meiji.
Découverte en 1810, la présence d’un gisement de charbon sur l’île attira rapidement l’attention. Cependant, c’est à partir de 1887, avec l’installation d’infrastructures minières permanentes, que l’île connut une occupation humaine continue. En 1890, la compagnie Mitsubishi Goshi Kaisha en fit l’acquisition pour exploiter pleinement ses ressources.
Au fil des décennies, l’île se transforma en un véritable complexe industriel et urbain. La superficie de l'île fut triplée par des remblais, permettant de repousser les frontières de la mer et de construire de nouvelles installations. Quatre mines furent ouvertes, descendant jusqu’à un kilomètre sous le fond marin. Ces conditions de travail étaient particulièrement ardues, avec des températures avoisinant les 30°C et une humidité de 95%.
À partir de 1916, pour faire face à l'afflux de travailleurs, l'île fut modernisée avec la construction du premier immeuble en béton armé du Japon, un bâtiment de sept étages. Ce n'était que le début d'une urbanisation fulgurante : hôpitaux, écoles, cinémas, boutiques, et même une maison de joie virent le jour, transformant l’île en une véritable ville.
La population de l'île atteignit son apogée en 1959, avec 5 259 habitants. Cette densité de population, inégalée dans le monde, atteignait 83 500 personnes par kilomètre carré, soit près de sept fois celle de Paris intra-muros. Cette concentration record illustre les défis de la vie sur Hashima, où chaque mètre carré était optimisé pour répondre aux besoins d'une communauté entièrement dédiée à l'extraction du charbon.
Quel rôle a joué l’île d’Hashima durant la Seconde Guerre mondiale ?
La Seconde Guerre mondiale marqua une période sombre pour l’île d'Hashima. L'effort de guerre du Japon nécessitait une intensification de la production de charbon, et les conditions de travail, déjà difficiles, devinrent encore plus éprouvantes.
Des milliers de Coréens et de Chinois furent enrôlés de force pour travailler dans les mines, souvent dans des conditions inhumaines. Bien que les chiffres exacts soient difficiles à établir, on estime qu'entre 800 et 1 300 travailleurs forcés ont été contraints de vivre et de travailler sur l’île.
Leur vie sur l'île était marquée par la souffrance et l'exploitation. Les témoignages des rares survivants Coréens décrivent des conditions de vie exécrables, avec des travailleurs forcés traités comme des sous-humains, assignés aux tâches les plus dangereuses, comme l'extraction dans des zones de la mine infestées de gaz toxiques.
Le film coréen "Battleship Island" a popularisé cette histoire, bien qu'il soit en partie fictif. Cette production cinématographique a suscité de vives réactions au Japon, qui a critiqué sa représentation des événements.
Pourquoi l'île d'Hashima est-elle inscrite au patrimoine mondial malgré la controverse ?
En 2009, le Japon a soumis une demande d'inscription de l'île d'Hashima au patrimoine mondial de l'UNESCO, en tant que site illustrant la révolution industrielle japonaise.
Cette proposition a soulevé des critiques, notamment de la part de la Corée du Sud, en raison des atrocités commises sur l'île pendant la Seconde Guerre mondiale. Malgré ces controverses, l'inscription a été approuvée en 2015, sous la condition que le Japon reconnaisse officiellement les souffrances endurées par les travailleurs forcés.
Cependant, l'engagement du Japon à cet égard a été remis en question. En 2020, un centre d’information a été ouvert à Tôkyô pour célébrer ce patrimoine, mais il a été critiqué pour avoir omis de mentionner les aspects les plus sombres de l'histoire de l'île.
L'UNESCO continue de faire pression sur le Japon pour qu'il tienne sa promesse de mémoire, soulignant la nécessité de reconnaître pleinement ces pages sombres de l’histoire.
Que peut-on voir en visitant Gunkanjima aujourd'hui ?
Depuis l’ouverture de l'île aux visiteurs en avril 2009, Gunkanjima est devenue une destination fascinante pour les amateurs d’histoire industrielle et les curieux du monde entier. La visite de l'île, bien que limitée à un parcours sécurisé, offre un aperçu saisissant de ce que fut la vie sur ce morceau de terre inhospitalier.
Le trajet jusqu’à l’île depuis le port de Nagasaki dure environ une heure, offrant des vues spectaculaires sur la côte et sur les chantiers navals de Mitsubishi. Avant d’arriver sur l’île, une vidéo informative est diffusée, relatant l’histoire de Gunkanjima et son rôle dans la modernisation du Japon.
Une fois sur place, les visiteurs doivent rester sur un chemin balisé pour des raisons de sécurité, en raison des risques de chutes de débris et de l'état de délabrement avancé des bâtiments. La visite dure environ 45 minutes, avec trois points d'observation principaux qui permettent d'admirer les ruines imposantes et d'imaginer l'ancienne vie animée de l'île.
Les explications étant principalement en japonais, il est recommandé de se munir d'une carte ou d'un guide pour mieux comprendre les lieux.
Comment se rendre à Gunkanjima ?
Il existe plusieurs compagnies qui proposent des excursions vers Gunkanjima depuis différents ports de Nagasaki. Parmi elles :
- La compagnie « Gunkanjima Landing & Cruise » a son local dans le terminal du port de Nagasaki (ouvert de 8h15 - 17h00). Ils font un départ à 9h00 et à 13h40.
- La compagnie « Gunkunjima Cruise ». Leur local est près du terminal portuaire de Nagasaki (ouvert de 8h40 à 17h00). Ils font un départ à 9h40 et à 14h00.
Il est important de noter que l'accès à l'île dépend des conditions météorologiques. En cas de mauvais temps, le bateau peut se contenter de faire le tour de l'île ou la sortie peut être annulée. Il est donc recommandé de consulter les prévisions météorologiques sur les sites des compagnies 1 ou 2 jours à l'avance.
Les sites des compagnies n'étant pas très claires, il est préférable de se rendre directement sur place pour acheter les billets une bonne demi-heure avant le départ du bateau.
Visiter virtuellement l’île de Gunkanjima !?
Pour ceux qui n'ont pas l'occasion de visiter physiquement l'île, plusieurs alternatives virtuelles existent. En 2013, Google a numérisé une grande partie de Gunkanjima, permettant une exploration virtuelle via Google Street View. Cette expérience gratuite offre une vision plus complète de l'île que la visite physique, sans les contraintes de sécurité.
En outre, le Gunkanjima Digital Museum à Nagasaki propose une immersion numérique fascinante dans l’histoire de l’île. Situé près de l’église Oura et de l’arrêt de tram « Ouratenshudo » (大浦天主堂), ce musée utilise des simulations et des expositions interactives pour plonger les visiteurs dans le passé industriel de l’île et la vie quotidienne de ses habitants. Ouvert de 9h à 17h, l'entrée coûte 1 800 yens (~14 €) et la visite dure environ une heure, avec une partie des présentations disponibles en anglais.